Premier dîner :: L'heure des rencontres

Au départ, Liam était partie pour le dîner auquel il était déjà en retard. Déjà en retard alors qu’il ne connaissait personne et qu’il n’était même pas invité ! Il avait tout de même hésité au départ à remettre son manteau sur ses épaules. Il faisait vraiment froid dans cette baraque ou alors c’était lui qui était parano.

* Il fait juste trop chaud dans le taxi…*

Au final, il s’assura qu’il était encore plus mal poli d’arriver en tard et avec un manteau sur les épaules. Un frisson le parcourue et il se remit près du radiateur pour vérifier une énième fois qu’il ne marchait vraiment pas. Après avoir légèrement tapé dessus, rien n’y fit. Résigner, le jeune irlandais sortis de sa chambre en direction du salon –dont il ignorait totalement la situation géographique dans le manoir-. Pendant qu’il marchait dans les couloirs, il voulu se rassurer. Peut être n’était t’il pas autant en retard qu’il ne le pensait.

*Ha si enfaite…*

En constatant qu’il avait au moins un quart d’heure de retard, Liam força le pas pour rattraper le temps perdu. Mais une petite frayeur le fit s’arrêter dans sa marche rapide. Une porte venait de grimacer sur sa gauche alors qu’il était sur le point de descendre les escaliers pour rendre au rez-de-chaussée. Curieux et inquiet à la fois, il passa sa tête dans l’entrebâillement de la porte. Une pièce vide.

Le jeune entra complètement dans la pièce et patri vérifié si le chauffage était allumé. Il y était. Un grand sourire apparut sur les lèvres de Liam qui se laissa aller à poser ses mains sur le vieux chauffage. Quoi de mieux que de se réchauffe les mains ?!

Mais il n’avait pas le temps de se laisser aller à de simple plaisir. Il reparti alors précipitamment de cette chambre avec la certitude que c’était son chauffage qui délirait et non la chaudière qui n’avait pas été actionnée. Maintenant il fallait qu’il se rende dans le salon, encore une nouvelle épreuve pour super Liam ! Et si on lui demandait qui il était ? C’était peut être un week-end familial au quel Alix aurait été convié par ce qu’il avait un lien particulier.

Liam se mit alors à être essouffler a cause de ce stresse, stresse qui augmentait au fur et à mesure qu’il se rapprochait de la sortie. Le jeune homme était arrivé en face de la porte par laquelle il était entré. Et dire qu’au dessus de lui se trouvait sa chambre glacée. Il fallait qu’il en parler au majordome. Il aurait pu utiliser la clochette mais les domestiques avaient sûrement autres choses à faire que de s’occuper d’un chauffage récalcitrant.

Pas la peine d’y penser maintenant, il devait se présenter détendu pour ne pas avoir l’air d’être un véritable intrus. Mais d’abord il devait trouver le salon. Après quelques seconde d’intense recherches visuels, il fini par trouver l’entrée du salon. Inspirant un font et passant une main dans ses cheveux blond légèrement humide, il fini par pénétrer dans la pièce. Elle était immense ! Et en face plein de nourriture étaient entreposée. Liam savait qu’il s’agissait de nourriture puisque qu’il en sentait l’odeur alléchante jusqu’où il se trouvait. Son ventre émie un grognement sonore.

*Oups*

Il avait faim depuis quelques dizaine de minutes et ne s’en était pas aperçut à cause du stresse qu’il endurait depuis le début de la journée. Le majordome était là non loin de la table, et l’occasion de le mettre au courant du problème de chauffage ne se représenterait pas.

Seule une personne était déjà présente. Sûrement le maître des lieux. Liam remarqua aussitôt que l’homme était adossé à une cheminée qui répandait une douce chaleur dans la pièce. Cela fini par mettre Liam en confiance qui se félicitait de ne pas avoir gardé soin blouson. Il adressa un léger signe de la tête à l’homme qui se chauffait le dos avant de se rendre près du vieillard.

- Excusez-moi, mais, j’ai remarqué qu’il y avait un problème dans ma chambre. Il s’agit du chauffage. Je crois qu’il est en panne… Es ce que je ne pourrais pas changer de chambre ?

Une nouvelle fois l’estomac de l’irlandais se fit remarquer. Et ses joues se colorèrent sous la gêne… Il s’excusa brièvement tout en attendant u ne réponse du vieux monsieur.

Le vieillard baisse vers toi un regard presque inexpressif avant de te répondre, de sa voix monocorde :

"Quelqu'un va s'en occuper, Monsieur. Vous ne pouvez hélas pas changer de chambre, je suis navré."

Navré, hein ? Il a l'air aussi expressif qu'une sardine en boîte, impossible de savoir ce qu'il pense vraiment. Puis il te désigne les plats posés sur la table.

"Si vous avez faim, vous pouvez commencer à manger."

Il se permet un léger sourire qui laisse apparaître deux rangées de dents gâtées par l'âge, le café et sans aucun doute le cigare. Beurk... Vraiment, c'est mieux quand il fait sa tête de Croque-Mitaine...

Stuart s'essaya a ouvrir plusieurs portes, avant de laisser tomber, convaincu de n'en trouver aucune d'ouverte. Il pouvait toujours les défoncer a coups de pied, mais, après avoir murement réfléchi, il se dit que ça jetterai surement un froid, dans cette ambiance si chaleureuse...

Tant pis pour les photos et les mesures. Elles attendront.

Au bout du couloir, il aperçut l'escalier émergeant de la pénombre. Résistant difficilement à l'envie de glisser sur la rampe en poussant des cris d'indien, il se résolu à faire preuve de réserve et descendit les marches en s'appuyant sur sa canne.

Il avait apparemment passé plus de temps que prévu sous la douche et à déambuler à l'étage, puisqu'il se rendit compte en consultant sa Rolex, que l'heure du dîner était déjà entamé de quelques minutes.

Il se dirigea vers la salle à manger.

Laquelle était illuminée et douillettement chauffée par un feu de cheminée. Le majordome était là, bien-sûr, comme il sied à une personne assumant sa fonction, mais il y avait également deux autres personnes.

L'une semblait en grande discussion avec le serviteur et lui tournait le dos, l'autre, un jeune homme était déjà attablé.
-"Bien le bonsoir ! J'imagine qu'il n'y a pas de préséance à table ?", dit-il, tout en se dirigeant vers une place, de tirer une chaise et de s'y assoir.

Non sans avoir, auparavant, tiré de sa poche intérieur, sa flasque de whisky et de s'en octroyer une rasade.
-"Santé !".

Une fois que l’adolescente en tenue de soubrette eut débarrassé Drew de ses pires ennemis, deux plantes carnivores enlacées, l’agent immobilier véreuse était aussitôt partie déambuler dans les couloirs du manoir aux milles mystères. Ouh… drôle de phrase n’est-ce pas? La répéter à quiconque se trouvant hors contexte vous aurait immédiatement fait passer pour un demeuré. Ce n’était certes pas le mystère qui manquait à BlackHall, de même que la poussière ou les antiques babioles disséminés aux quatre coins du domaine, faisant remonter le temps jusqu’à l’époque victorienne. En marchant d’un pas rapide, Drew observait partout autour; et elle se promit que si elle était un jour amenée à racheter cette propriété ou y faire des aménagements, toutes ces antiquités seraient vendues aux enchères, remplacées instantanément par un design épuré et propre.

En chemin, la jeune femme fit en sorte de ne rater aucun détail; la hauteur des plafonds, la dissimulation plus ou moins efficace des aménagements électriques, les fameux supports de fixation des fenêtres qui n’étaient pas aux normes, bref… tout ce qu’il y avait d’essentiel à savoir sur BlackHall. Sa courte progression dans les couloirs n’était bien sûr pas suffisante pour établir un devis complet, mais elle en avait vu assez pour confirmer une chose: l’endroit était vétuste. Seule sa chambre avait semblé luxueuse, confortable et accueillante.
En marchant, Drew se dit avec un sourire ironique que nombre de pequenauds avaient du se paumer dans le dédale de corridors qu’offrait le Manoir. Il n’était pourtant pas difficile de se repérer, si l’on avait pris la précaution élémentaire de mémoriser l’itinéraire inversé emprunté à l’aller. Peut-être aussi était-ce son expérience des aménagements immobiliers qui guidait Drew avec plus d’efficacité; quoi qu’il en soit, après avoir volontairement flâné un peu pour explorer les lieux, c’est sans peine que la jeune femme parvint au Grand Salon dans lequel était donné l’apéritif dînatoire.

Elle fut instantanément surprise par les dimensions de la pièce, son luxe et surtout son côté douillet qu’on ne retrouvait nul par ailleurs. Sans doute était-ce du à la déco, beaucoup plus accueillante, et le feu qui ronflait dans la cheminée. Comme elle s’y attendait, la jeune femme était très en retard et de nombreuses personnes étaient déjà présentes. Elle prit soin de se glisser parmi les invités avec une discrétion imparfaite mais honorable, affichait comme si de rien n’était un air innocent de « moi ? j’étais là depuis le début ».
Il était tard et Drew s’aperçut qu’elle était affamée. C’est donc sans se faire prier qu’elle s’approcha du buffet couvert de mets appétissants et se servit une tranche de volaille avec de la purée, le tout accompagné d’un petit verre de grand marnier –des alcools de la meilleur qualité étaient d’ailleurs offerts. Vu leur prix et la diversité des aliments, la jeune femme se doutait qu’enfin, on allait entrer dans le vif de l’action. Sans avoir l’air d’y toucher, elle profita de son repas pour observer discrètement les autres convives derrière ses couverts.

Il y avait bien sûr son fossile préféré, arborant cet air toujours aussi peu aimable et posté près du buffet en observant tout le monde d’un regard de rapace. Drew repéra un autre homme en costume et cravate; il était âgé et buvait dans sa flasque personnelle, ce qui était plutôt étrange. Aussitôt, elle le vit comme un concurrent et dut mobiliser sa volonté pour ne pas le foudroyer du regard. Les types bossant dans l’immobilier se reconnaissaient à des kilomètres à la ronde et celui-là, bien que souriant et propre sur lui, menait sans aucun doute à l’instant même une enquête de terrain… hé bien, il faudrait qu’il s’accroche à sa flasque, le vioque, parce que BlackHall était son projet à elle.
Les yeux de la jeune femme se portèrent ensuite sur une blondinette aux cheveux courts et aux yeux d’un bleu argenté, qui avait l’air de ne pas trop savoir ce qu’elle foutait là. Il fallut quelques secondes supplémentaires à Drew pour comprendre que ces traits fins et juvéniles n’appartenaient non pas à une fille mais un mec, ce qui, vu son aura globale, ne changeait en fait pas grand chose. La personne suivante était cette fois-ci une vraie fille, une blondasse aux énormes obus semblant tout droit sortie d’un film porno américain. Drew ne s’attarda pas sur elle, passant ensuite à une femme arborant une extravagante mais magnifique chevelure d’un roux foncé. Celle-ci dégageait un magnétisme assez fascinant, qui n’eut sur la jeune femme pas le moindre effet compte tenu de son habitude à ne considérer les gens que comme les variables d’une grande équation. Il y avait aussi une femme brune d’à peu près son âge –rien de particulier à signaler. Enfin, la dernière personne était un homme scotché à une bouteille de whisky, qu’on avait du mal à distinguer tant ses cheveux, ses yeux et ses fringues noires se fondaient dans l’obscurité du recoin de la pièce. Son apparence de voyou alcoolique et toxicomane gêna pourtant moins Drew que les volutes de fumée montant de sa cigarette. Considérant que l’espace était clos, ce n’était pas très respectueux; si il avait envie de se détruire les poumons, grand bien lui en fasse, mais… le plus loin possible de Drew.

Son assiette finie, celle-ci retint à grand peine une moue dubitative et légèrement agacée. Même en se forçant à la réflexion, elle n’avait absolument rien en commun avec ces personnages, et ne parvenait pas à mettre le doigt sur le lien qui les avaient tous amenés ici ce soir. En fait, elle pensait avoir affaire à des habitués, mais vu leur air un peu paumé, ce n’était visiblement pas le cas. Alors pourquoi diable avait-elle été invitée? La jeune femme voulut poser la question au majordome mais se ravisa, pensant que le propriétaire des lieux allait bientôt apparaître et leur dévoiler toutes les clés du mystère. Il fallait juste espérer que ce moment ne tarde pas trop…

En attendant, Drew fit ce pour quoi elle était venue: son repérage. Il aurait été inaproprié d’utiliser son mètre-ruban mais en attendant, elle pouvait noter les détails les plus visibles sur son cellulaire. Dimension approximative de la pièce, matériaux de construction supposés, orientation de la cheminée, emplacement des luminaires… Sa tâche effectuée, elle rangea son téléphone en remarquant qu’il n’y avait toujours pas de réseau. Elle commençait à s’ennuyer…
Le plus grand dilemme de sa vie avait toujours été de concilier sa nature d’asociale avec le sens des affaires; si elle n’allait jamais vers les gens et ne montrait pas un visage aimable, ses chances s’amenuiseraient. C’est pourquoi Drew prit sur elle et se résigna à aller faire la discussion à quelqu’un. La blondinette –pardon, le blondinet-, la blondasse, la rouquine et la brune ne lui disaient rien qui vaille. En fait, un seul homme aurait été intéressant dans cette pièce: l’agent immobilier concurrent. Mais la règle d’or spécifiait bien de ne jamais s’adresser directement à un concurrent, et d’éviter tant que possible la confrontation. Non, il fallait manœuvrer plus finement, tenter d’obtenir des informations sur l’homme sans s’adresser directement à lui… par élimination, il ne restait donc plus que le junkie, qui heureusement avait fini sa cigarette. Drew s’avança donc vers lui, se composant un sourire qu’elle espéra convaincant, bien décidée à lui soutirer toutes les informations possibles sur le bonhomme en costard.

"Bonsoir…" Elle chercha un instant ses mots, ne sachant pas où commencer. "Drôle d’endroit, n’est-ce pas?"

Atalie avait du déambuler des heures, serrant son écharpe semblable à un châle sur ses épaules. Cet endroit lui filait la chair de poule et elle avait hâte de voir au moins un visage autre que celui d’Alfred. D’abord, elle erra, se disant qu’elle se souviendrait de chaque couloir emprunté, de chaque porte vue.

*C’était à gauche ou à droite après l’embranchement où le bois semble un peu plus luisant ? Ou alors c’était avant ? Au niveau du lustre à l’ampoule un peu plus faible ?*

Elle s’arrêta et l’obscurité qui s’étendait de part en part du couloir ne la rassuraient pas. Atalie reprit donc sa marche. Tentant de faire abstraction du bruit de ses propre pas et avançant sur la pointe des pieds, elle tenta de capter un bruit plus amplifié, une voix, une horloge, n’importe quoi. Ce fut sans doute la chance qui la mena quelques minutes après devant un escalier qu’elle descendit précautionneusement. L’éclat d’une voix résonna et elle s’engagea vers une salle illuminée, ou comment reprendre la phrase « Il y avait de la lumière, alors je suis entrée. ».

A vrai dire, la rousse ne fut pas déçue du voyage du tout. Entre le sosie de Freud qui descendait sa flasque, la cheerleader tout droit sortie d’un film américain, le petit minet « made in Scandinavia » et la brune au anglaises… Elle se demandait dans quel traquenard elle était tombée. En soi, seul un avait l’air vraiment riche, le Sigmund en costard, mais elle était plutôt mal placée pour parler étant donné qu’elle avait plutôt un air de bohémienne disant la bonne aventure en roulotte. L’odeur du tabac chatouilla son nez et elle tourna la tête vers une volute qui s’envola. Atalie n’avait même pas remarqué l’asiat à l’air totalement absent qui fumait comme un pompier cancéreux en buvant comme la terre du Sahel. Ma foi, il pouvait garder sa tétine au bec, tant qu’il ne sortait pas des âneries à cause de l’alcool. Et qu'il ne s'humiliait pas dans un show ridicule. Enfin... Il avait plutôt l'air d'avoir l'alcool triste.

Peu de temps après son arrivée, une femme pénétra à nouveau dans la pièce. Le silence lourd ne fut en tout cas pas brisé par la voyante qui se contenta d’aller s’asseoir. Hors de question de goûter à ce qu’il y avait sur la table tant qu’elle ne verrait pas quelqu’un manger avant elle. Principe de sécurité, si c’était empoisonné, elle ne serait pas la première à tomber raide morte. La nouvelle brunette passa le test de la dégustation sans être malade, ou pire. Profitant de son avancée vers l’homme en noir, la rousse se pencha sur un gâteau et en prit une part avant de lancer un petit sourire à Alfred. Non pas qu’il lui donnait envie de le saluer chaleureusement en l’enlaçant, mais il était la seule « personne » qu’elle connaissait déjà.

Seul l’homme barbu à la flasque lui inspirait un tant soit peu de sympathie. En effet, il buvait uniquement dans sa flasque et son principe de précaution fut largement apprécié par la voyante qui répugnait même à l’idée de toucher l’argenterie rutilante.

Prêtant l’oreille aux dires de la brune à l’enfumé, elle eût un petit sourire en coin. Encore une femme à la langue trop bien pendue. En effet, elle n’avait pas une tête à lui sauter dessus et à dire « viens dans ma chambre mon mignon, tu verras le paradis ». Atalie se contenta de s’appuyer contre le mur en glissant quelques bouchées de gâteau dans sa bouche et passant au crible les différents protagonistes. L’un d’eux était-il l’hôte du week-end ? Pour l’instant, la rouquine n’avait clairement personne à féliciter. Salle d’eau commune, pas de jacuzzi, pas de piscine chauffée, pas de service de massage… Et c’était un buffet qui leur était proposé, même pas un dîner avec serveurs. Seul Alfred veillait silencieusement comme un animal empaillé sur une pièce.

L’ambiance n’était pas froide : elle était déjà en complète putréfaction. Si elle avait une seule chose à dire à la dernière arrivée dans la pièce, c’était bien un grand bravo. Elle avait tenté de briser la glace avec celui qui avait l’air le moins enclin à parler. Le problème avec les gens qui gardaient une mèche devant les yeux ou une clope au bec, c’était qu’ils affichaient clairement leur refus de se mêler. Ils se cachaient, s’enfermaient dans un cocon de choses connues. Si un homme du genre était venu la consulter, elle aurait commencé par « Votre vie n’a pas toujours été tendre je vois… Vous avez tant de choses cachées que vous ne dites pas. Des choses… Graves. »

Les yeux rivés sur la porte, elle n’attendait qu’une chose : Qu’on leur présente le responsable de la supercherie. Sa chambre était un placard dangereux et les installations laissaient à désirer, merci Black Company… Atalie reposa son assiette vide sur le rebord de la table du buffet mais conserva sa fourchette à dessert en main. Ca lui occupait les mains et l’esprit, à défaut de tirer les cartes.

Ayant remisé sa flasque dans sa veste, Stuart, confortablement installé sur sa chaise, se sert un verre de Chardonnay, tout en observant les invités. Décidément, c'est fou ce qu'un feu de cheminée et une boisson civilisée, peuvent rendre douillet et accueillant la bâtisse la plus vétuste...

Le jeune type androgyne, curieusement, semblait éprouver un certain intérêt pour le majordome famélique. Où ils se connaissaient, où le jeunot avait une réclamation.

Le chevelu dégustait un verre de whisky, avec une certaine avidité mêlée d'étonnement, tout en grillant une cigarette. Une sérieuse faute de goût, quand on a affaire a un nectar pareil.

L'une des nouvelles arrivées, le genre "executive woman", avait soigneusement observée les lieux et les personnes présentes (y compris lui-même), avec un regard calculateur, avant de jeter son dévolu sur le chevelu en question.

Elle avait parut se forcer pour aller a sa rencontre.

Hmmmm ? Qui était-elle ?

Une jeune rouquine avait également fait son entrée. Comme l'autre femme, elle avait observé son monde, mais ses yeux n'avaient pas la même dureté évaluatrice que sa consœur.

Néanmoins, il se doutait que sa jeunesse lui faisait certainement classer les gens selon une grille d'évaluation aussi stéréotypée que catégorique.

Stuart se servit une tranche de gigot, dont la première bouchée lui confirma l'apparence : Délicieux.

Il prit le temps d'avaler, avant d'attirer l'attention du majordome. Il voulait se débarrasser, avant sa première nuit, du vivarium et de ses occupants...

Au final, le blondinet allait obtenir réparation, enfin réparation…. Il allait plutôt récupérer un radiateur en état de marche. Rien que d’imaginait que s’il n’avait rien fait il aurait dormit dans le froid pour seul chaleur que son corps ou la batterie de son portable, il en frissonnait.

Après avoir été « navré » pour le dérangement, le vieil homme lui présenta les plats qui firent revenir au grand galop à la faim du jeune irlandais. Très sobre, le garçon, peu intéresser par l’entrée, s’attaqua directement au plat principal, avec deux tranches de rosbif et une bonne plâtrée d’haricot vert dont il raffolait. Il salivait déjà devant son assiette lorsqu’il s’assit à table et remarqua que plusieurs personne était arrivé en même temps qu’il s’était mit à choisir ses aliments. Il sourit joyeusement à qui voulait recevoir de l’amabilité et salua ceux qui lui accordaient un minimum d’attention…

Il mangeait calmement car il se concentrait sur sa tenu, pas de coude sur la table comme il en avait pris l’habitude chez lui, le dos bien droit pour se grandir et ne pas donner l’impression d’être mal élever et faire honneur à sa mère, la fourchette allant à la bouche et pas l’inverse pour ne pas paraitre affamé. Tout cela était plutôt compliquer à cordonner pour le jeune adulte. Et la seul fois où il releva la tête de son plat fut pour constater qu’il passait totalement inaperçu dans la pièce. Chance ou pas, il n’aimait pas vraiment se sentir exclu de la société. Alors il se redressa une nouvelle fois pour se remettre droit.

*Fichu dos !*

Son regard trainant rapidement dans la salle, il remarqua que celui qu’il avait catégorisé comme le maître des lieux avait été accosté par une demoiselle à l’air sévère. Liam réprima un sourire en pensant à sa maîtresse de primaire, elles avaient la même corpulence et dégageait la même aura d’autorité. Le blond en déduit qu’il devait se connaitre… alors que lui ne connaissait personne… ça allait être à lui d’aller voir les autres. Il profita du fait que son verre n’avait pas été rempli pour se lever et se diriger vers la table des boissons. Une jeune femme n’était pas loin. Avant de se servir, il s’approcha calmement d’elle et chaleureusement, lui sourit avant d’entamer un semblant de conversation.

- Bonsoir mademoiselle… J’allais me servir un quelque chose à boire et je me demandais si vous aviez soif…

*Vachement claire tout ça, je suis sûr qu’elle va tout comprendre d’un coup !*

Bien qu’il ait conscience que sa phrase ne fut pas clair, il ne trouva pas d’autre mot pour continuer son mini discourt introductif auprès de la population de la pièce. Il était mal à l’aise et préféra observer autour de lui, avisant rapidement qu’une assiette vide trônait près de la fille rouquine et qu’une fourchette à dessert s’était réfugiée dans sa main.

- Les desserts sont bons ?

Le blondinet espérait grandement de pas se prendre un vent ce qui signifierait qu’il aurait échoué dans sont insertion dans cette petite société. Un coup d’œil sur le coté pour voir si le monsieur près du feu était toujours occupé avec la dame. Et oui… Il devrait attendre pour lui parler d’Alix, mais sûrement que cette demoiselle le connaissait. Ça n’aurait été étonnant, Alix avait connu beaucoup de monde…

Tous semblaient prendre leurs aises mais Atalie ne parvenait pas à se détendre. Elle avait certes soif mais n’avait aucune envie d’être empoisonnée par le vin, seule boisson alcoolisée qui lui faisait de l’œil. Planter une seringue dans le bouchon afin d’y verser du cyanure, c’était à la portée d’un enfant de dix ans.

Ce qui amusa la jeune voyante ce fut le comportement de l’homme qui devait être le benjamin de tous. En tout cas, il faisait un beau contraste avec monsieur tête-de-momie-Alfred. Ce visage innocent et naïf avait éveillé une fibre vicieuse au sein de l’esprit de la suissesse. En effet… Qui pourrait être plus enclin à croire les dires d’une voyante qu’un jeune homme de son acabit ? Il devait avoir plein de petites copines et les tirages d’amour faisaient plus de la moitié du chiffre d’affaire de la Luna inc. Les autres étaient plus hermétiques donc moins facilement embobinés.

Tous les invités étaient hauts en couleur et cette impression ne faisait que s’intensifier au fil des minutes. Atalie offrit un petit sourire crispé à Alfred puis détourna immédiatement la tête. Incroyable comme une connaissance, aussi peu attirante et sympathique soit-elle, offrait une bonne bouée de sauvetage dans l’océan des inconnus, surtout vu leur mise à tous. Ulcérés ou alcooliques, il y avait de quoi faire dans ce manoir. Son estomac gargouilla légèrement et, portant son attention sur la table, se dit qu’une part de plum pudding ne serait pas de refus. L’attention de la rousse fut attirée par un bruit de pas se dirigeant vers elle.

*Retiens toi de lancer un regard agressif… Retiens toi.*

Tournant la tête vers l’origine des pas, quelle ne fut sa surprise en observant le blond peroxydé qui lui lançait un regard plutôt étrange vue la situation. Il jouait le gentil garçon, ses yeux cachant du feu sous la glace de leur bleu ? Ce qui estomaqua encore plus la rousse fut sa première question. C’était un rendez-vous ? Vous voulez boire un verre ?

- Bonsoir. Merci pour le verre mais pour l’instant je n’ai pas soif… En revanche oui, les desserts sont fameux, je vais d’ailleurs prendre une part de pudding.

Elle s'exécuta en gardant un œil sur le jeune homme. Il avait l’air inoffensif mais il pouvait bien cacher une capsule de poison dans ses poches.

- Vous m’avez l’air anxieux et un peu timide. Bel effort d’être venu me parler.

Sa voix sonnait étonnamment sincère mais la pointe d’inquiétude introduite au moment où elle avait remarqué son anxiété devait faire son petit effet en principe, ça marchait souvent de cette façon. Tenter de donner de l’importance aux gens et leur langue se délie. Au voyant de replacer des petits éléments discrets à partir de ses déductions dans son discours.

Il avait l’air intéressé par le couple des deux bruns, l’un blasé, l’autre nerveuse. Bienvenue au pays des dingues aurait été mieux que de dire « Bienvenue à BlackHall ». Même Alfred avait l’air un peu timbré sur les bords et complètement fou au fond. Merci une fois de plus Black Cat Company.

Le jeune homme n’avait pas une tête de petit riche méprisant, petit con de bonne famille, non il avait plutôt l’air d’être quelqu’un de simple, non pas simple d’esprit mais humble au moins.

- Je peux faire quelque chose pour vous ?

Avant même d’avoir fini sa phrase, Drew sut que son initiative de passer outre son asocialité et de tailler la bavette au grand brun alcoolique était mal reçue. Le moins que l’on puisse dire, c’était qu’elle avait dérangé cet être apparemment acariâtre, tout occupé qu’il était à observer les autres derrière sa frange, fumer comme une cheminée et boire comme un trou à whisky sans fond. Hé bien, dire qu’elle se croyait asociale… il y avait visiblement pire dans le genre. Bref, même si ce ne fut sans doute pas l’intention de son interlocuteur, il lui fit comprendre que sa présence n’était pas la bienvenue et qu’il trouvait son intervention relativement peu pertinente. Drew sentit l’hostilité émaner de l’homme et, malgré son tempérament sanguin, s’appliqua à garder ce sourire artificiel collé au visage. Si il y avait bien un truc fondamental à retenir de sa profession, c’était de ne jamais perdre la face; toujours rester calme, légèrement au-dessus des autres, donner l’impression que le venin du crapaud n’atteignait pas la blanche colombe…

Elle continua donc son sourire, mais l’accentua d’une manière particulière pour lui donner un peu l’aspect d’un rictus –un signe probant pour montrer qu’elle avait parfaitement compris l’antipathie du type à son égard et s’en accommodait. De toutes façon, elle n’était pas ici pour se faire des amis –plutôt des clients, et les clients n’étaient jamais des amis. Bref, elle réservait son amabilité pour le véritable propriétaire des lieux.
Drew ne sut pas vraiment pourquoi le grand brun ne l’envoya pas paître; toujours est-il qu’il confirma les propos de la jeune femme sur l’étrangeté de BlackHall. Celle-ci hocha la tête; oui, le manoir était un lieu amphigourique, mais à vrai dire pour l’instant elle s’en fichait un peu. Tout ce qui lui importait, c’était de voir enfin le propriétaire des lieux et surtout, collecter de plus amples informations sur cet homme en costume-cravate qui avait sûrement, malgré tous les efforts de Drew, remarqué son regard acide.

"Un goût de la mise en scène particulièrement poussé" répondit Drew d’un ton calme, avec un sourire énigmatique. "Il y a une bonne raison." Toujours laisser croire qu’elle en savait plus que les autres; cette règle fondamentale la plaçait d’office dans une position de force, dans la plupart des entretiens qu’elle aurait ce soir. Toujours donner l’impression qu’on ne peut rien cacher à un entrepreneur immobilier… même si cette assurance factice ne résisterait pas à la moindre investigation, elle lui donnait au moins une certaine valeur.

La jeune femme marqua une pause, se contentant d’observer son interlocuteur pas dessus le verre d’eau qu’elle tenait à la main. Depuis qu’elle était entrée dans cette salle d’ailleurs, elle menait –comme d’habitude et inconsciemment- son enquête de terrain, répertoriant chacun des individus présents dans telle ou telle catégorie. La plus fondamentale concernant bien entendu la solvabilité… Elle avait fini par classer ce grand maigrichon aux airs de voyou, au visage fermé et aux cheveux fuligineux dans la catégorie des « moyennement solvables », de même que le reste des invités du grand salon. Sauf l’expert immobilier concurrent, qui échappait nécessairement à toute catégorisation… elle réservait son jugement.
Bref, aucun client potentiel dans ce ramassis de péquenauds tous plus étranges les uns que les autres… On disait que ce manoir était bizarre, mais c’était également le cas de ses invités. La grande rousse par exemple, avec son aura occulte, ne cessait de jeter alentour des regards inquiets comme si elle se trouvait dans un nid de serpents. Elle avait été accostée par le petit blond efféminé qui n’apparaissait pas non plus très à l’aise. Bref, personne ne semblait prendre la situation avec équanimité, sauf peut-être (encore et toujours) cet homme en costume à l’expression détachée… il était temps d’obtenir plus d’infos sans avoir l’air d’y toucher. Choisissant soigneusement ses mots, pour rester dans la lignée de la conversation et garder son air innocent, Drew reprit la parole.

"Ce lieu est perturbant pour nous tous… mais cet homme, là-bas, semble très à l’aise." D’un geste discret, elle montra du doigt le type à la barbe et au crâne légèrement dégarni. "Vous savez qui c’est? Un résident de BlackHall peut-être?"

Stuart se délectait des mets et boissons divers, proposés aux invités, mais sans abuser non plus.

Certes, tout était parfait, tant au niveau de la qualité haut de gamme des produits, que de la délicatesse de la préparation, mais ça n'avait jamais été son genre de se goinfrer.

D'autant plus que sa maman lui avait toujours dit que, le soir, il ne fallait pas trop manger.

Il se servit un autre verre de Chardonnay à la santé de sa mère...

Il observait avec un air désabusé, le ballet des autres convives, qui semblait s'orchestrer en une chorégraphie hésitante, futile et superficielle.

Les uns dérivaient vers les autres, en des tentatives de contacts, rarement couronnées de succès.

Les premiers arrivés, trônaient, stoïques et hiératiques au milieu de leur petit territoire personnel et les nouveaux, invariablement, semblaient attirés par eux, comme des satellites par un astre.

La grande femme brune s'était écrasée contre la carapace de son interlocuteur, qui avait l'air plus captivé par son whisky (il le comprenait) que par son interlocutrice.

Il leva son propre verre en un salut à l'adresse du garçon...

Étrangement, la jeune femme semblait s'intéresser à lui. Il avait remarqué son regard scrutateur quand elle était entrée et maintenant, il venait de surprendre un geste léger dans sa direction, alors même qu'elle parlait au garçon.

Hmmmm !?.... A suivre de prés, celle-là....

La rousse, style bohémienne, venait de rembarrer le blondinet... et avait aussitôt eu l'air de le regretter.
- Faut savoir ce que tu veux, ma p'tite !

Il reporta son attention sur son verre et, finalement se leva pour se diriger vers la cheminée.

Stuart se réchauffait les mains devant l'âtre, quand le bouquin sautât de son étagère, atterrissant dans un bruit de coup de feu.

Il se retourne et observe du coin de l'œil, essayant de repérer le -ou là- maladroit(e), l'ayant laissé tomber.

Il hausse les épaules, puis, alors que s'égrènent les premières notes d'une valse incongrue -"il doit y avoir des enceintes planquées quelque part...", il se dirige droit sur le majordome.
-"Dites, mon brave... Je souhaiterai que vous me débarrassiez de votre charmant vivarium plein de reptiles, qui orne ma chambre ! Touchante attention de votre part, s'il en est, et, également marque certaine de votre bon goût, mais..., j'apprécierai de ne pas dormir dans une ménagerie. Je suis certain que vous me comprenez !", lui demande t-il, courtoisement mais fermement...

Le vieillard pose un regard presque hautain à celui qui vient de lui adresser la parole. Il reste un moment sans rien dire, le détaillant de bas en haut avec dédain avant de répondre sur un ton étonnamment neutre :

"Je suis navré Monsieur, du dérangement que vous causent les habitants de ce vivarium. Je ferai le nécessaire pour que quelqu'un vienne le retirer de votre chambre..."

Il laisse un léger silence avant de poursuivre :

"Cependant, cela ne sera certainement pas possible avant demain matin. Il vous faudra passer une nuit en compagnie de ces charmants reptiles, je le crains..."

Une réponse des plus énervantes, certainement. Surtout pour quelqu'un de phobique. Pourtant, le majordome fait comme si la conversation était terminée et s'en va un peu plus loin s'affairer à ouvrir une bouteille de Dom Pérignon 1987.

Stuart regarde s'éloigner le majordome et ses espoirs de se voir débarasser de ses colocataires.
-"Hmmmouaip !... On n'est jamais aussi bien servi que par soi-même !".

Il avise le grand type à l'air sombre, qui sirote son alcool et s'approche de lui d'une démarche décidée.
-"Salut collégue ! Stuart ENFIELD !", lance t-il en tendant la main.

-"Je ne vais pas y aller par quatre chemins... : J'ai besoin d'un coup de main pour virer une saloperie de ma chambre ! Comme le croque-mort de service, là,..." dit-il en désignant leur hôte, "...ne veut pas s'en occuper avant demain, je me suis décidé à venir vous demander secour.".

Il guette une réaction, puit poursuit.
-"Pour ce que ça vaut... j'ai dans ma chambre une bouteille de pur nectar single malt, en guise de remerciement. Comme vous m'avez l'air d'apprécier...".